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La France doit ouvrir les yeux sur les réalités en Iran

Une tribune de François Colcombet, Président de la Fondation d’Études pour le Moyen-Orient (FEMO) et cofondateur du Comité Français pour un Iran démocratique.

Par François Colcombet*.

Alors que les États-Unis et la Corée du Nord se sont engagés dans un processus de «dénucléarisation de la péninsule coréenne », à surveiller dans les prochaines étapes, où en est le processus concernant l'autre « axe du mal » qu'est l'Iran des ayatollahs ?

À propos de l'Iran, l'Europe qui observe avec scepticisme le processus engagé en Corée, s'active pour éviter les sanctions américaines qui visent les échanges avec le régime iranien. De son côté, le pouvoir iranien multiplie les menaces en direction de l'Occident, alors que la rue fait entendre un autre son de cloche en Iran.

Depuis le retrait des États-Unis de l'accord avec l'Iran, les entreprises ont un délai de 180 jours pour cesser leurs activités avec ce pays, au risque de sanctions sévères de la part du Trésor américain. Plusieurs firmes françaises ont déjà commencé à quitter l'Iran, notamment celles qui cumulent des activités sur le marché américain et iranien, mais aussi celles qui utilisent le dollar pour commercer avec l'Iran.

Face à ce bouleversement majeur, l'Europe tente d'apporter son soutien politique pour que ses entreprises puissent rester en Iran. Dans une lettre au Trésor américain, les ministres des Finances et des Affaires étrangères de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni ont mis en avant leur bonne foi et demandé au gouvernement américain des exemptions. Les Européens ont promis de poursuivre les négociations pour un accord plus large avec Téhéran qui inclurait son programme balistique controversé et ses activités déstabilisatrices dans la région. « L'accord de 2015 a besoin d'être complété par un accord sur le nucléaire après 2025, un accord sur les activités balistiques et la présence régionale », a confirmé Emmanuel Macron. D'ailleurs les pays du G7 se sont, une fois de plus, clairement engagés à empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire.

LE LANGAGE DE LA FERMETÉ

Un regard sur l'histoire des relations avec le régime des mollahs montrerait que ces derniers ne comprennent que le langage de la fermeté et n'ont accepté de négocier la suspension de leur programme nucléaire militaire qu'à forces de sanctions économiques paralysantes imposées par l'administration Obama. Si la France veut négocier aujourd'hui un accord plus large avec Téhéran, elle doit donc le faire en position de force sans hésiter à utiliser le levier des sanctions. Elle doit surtout placer la question des droits de l'homme du peuple iranien au centre de son action et être à l'écoute des aspirations de changement du peuple iranien.

Le régime iranien traverse une crise profonde qui l'atteint dans ses fondements mêmes. En janvier dernier une révolte populaire a embrasé quelques 140 villes et menacé sérieusement le pouvoir islamiste. La population est descendue massivement dans la rue pour protester contre la vie chère en réclamant la fin de la dictature, cause de la faillite économique et politique du pays. Avec un chômage officiel de 12,5% (40 % officieusement), une inflation supérieure à 12% et une monnaie nationale en chute libre (perte de 50 % de sa valeur en six mois), la grogne sociale n'est pas prête de se calmer en Iran. « Laissez la Syrie, occupez-vous de nous », « Notre ennemi est ici, ils mentent en disant que c'est l'Amérique », ont scandé les manifestants : salariés impayés, paysans victimes de l'incurie du système, millions d'épargnants spoliés par les établissements financiers en banqueroutes et militants de la société civile qui s'insurgent contre les injustices et les discriminations rampantes dans le pays qui détient le palmarès mondial du nombre d'exécution par habitant.

Cette situation laisse présager d'autres révoltes plus puissantes que celles du mois de janvier. Entre-temps, les protestations et grèves se poursuivent en Iran de manière sans précédent. Le 16 mai, à Kazeroun, la ville du sud de l'Iran, au moins quatre personnes ont été tuées dans les manifestations contre ce régime brutal qui n'hésite pas à faire tirer sur sa population et à user de la torture contre ses opposants. Un évènement marquant a été la récente grève des camionneurs iraniens qui s'est étendue à plus de 300 villes et a mis en évidence la capacité des grévistes à s'organiser face à un régime liberticide qui bloque internet pour entraver toute contestation.

UN RÉGIME QUI PERD PIED

Ce qui est significatif dans le paysage politique et social, c'est le sentiment général que le régime est en train de perdre pied. La véritable solution à la crise iranienne pourrait finalement venir de la rue. La situation explosive de la société rend plausible l'éventualité d'un changement de régime de l'intérieur, mettant fin à la fois à la souffrance du peuple iranien et aux inquiétudes de la communauté internationale.

L'existence d'une opposition structurée qui a survécu à la répression et qui a démontré sa capacité de résilience durant quatre décennies, la grande sagesse du peuple iranien qui défie avec intelligence, courage et parfois malice ses persécuteurs, le rejet de l'extrémisme et le détournement de la religion à des fins de pouvoir par cette nation qui a goûté amèrement la théocratie, constituent des chances pour un avenir optimiste. C'est ce message d'optimisme que la diaspora iranienne cherchera à faire entendre dans son grand rassemblement à la fin du mois à Paris, où des dizaines de milliers d'Iraniens convergeront des quatre coins du monde pour rappeler que la relève et l'alternative au régime des mollahs est prête et appeler à un changement démocratique dans ce pays. Ce message doit être entendu par nos décideurs politiques en France.

François Colcombet est Président de la Fondation d'Études pour le Moyen-Orient (FEMO). Il fut magistrat à la Cour de cassation et ancien député. Il a également cofondé le Comité Français pour un Iran démocratique.